Bonjour à toutes et à tous,
Voici un deuxième numéro de Nouvelle-s d’Imaginarium-s pour vous accompagner cet été et garder le lien. Nous allons parler de voyages, d’une expérience vécue en Nanoubie et, de manière plus inattendue, de comment le droit peut nous faire rêver, vraiment !
Nous vous raconterons aussi ce qui s’est passé dans la communauté Imaginarium-s ces dernières semaines, et partageons quelques annonces concernant les mois à venir…
Si vous avez envie de réagir, de contribuer à un de nos projets ou de proposer une nouvelle idée, n’hésitez pas à répondre directement à cet email. Et bien sûr, n’oubliez pas d’inviter vos ami.e.s à s’abonner à Nouvelle-s d’Imaginarium-s pour essayer d’imaginer ensemble l’avenir en récits.
ET SI…
… nous transformions nos imaginaires du voyage ?
Plus radicale que le "Flygskam" suédois, la pandémie de Covid-19 a supprimé la plupart des vols intercontinentaux alors même qu’ils sont devenus pour les classes moyennes de toute la planète l’archétype du voyage et du dépaysement. Cette remise en cause brutale, et sans doute plus longue que prévue, de ce mode de déplacement va-t-elle se combiner avec les impératifs environnementaux pour renouveler notre imaginaire du voyage ?
Ce n’est pas gagné si l’on considère le succès de l’offre incroyable faite récemment par l’aéroport de Taïpei (Taïwan) : vivre un « simulacre » de voyage avec la véritable expérience du passage de l'immigration, de l'embarquement dans un avion, de l’écoute attentive des consignes de sécurité, puis du débarquement. Sans décoller et en restant une demi-journée dans les multiples files d’attente qui font la « joie » du transport aérien !
En France, pays du tourisme par excellence, on a néanmoins très vite vu la mobilisation publicitaire des territoires pour tenter de nous faire oublier les voyages en Thaïlande, au Mexique ou au Canada que nous ne ferons pas cet été. Ont refleuri des noms de provinces quasi-oubliés : Perche, Minervois, Combrailles ou Dombes… ou des dénominations imaginaires comme celles inventées par la Région Bretagne pour nous inviter à « partir aux Galapagozh », « surfer en Kerlifornie » ou « naviguer aux Caraibzh »
Au-delà des tendances du tourisme à plus de proximité, plus de vert, plus d’éthique, plus de co-, plus de virtuel, notre imaginaire du voyage peut-il radicalement changer ? Nous vous proposons trois pistes à explorer :
- l’intensification de notre expérience sensible
- l’extension du voyage par son intégration aux parcours de vie
- le voyage intériorisé ou voyage par procuration
1/ Qui n’a pas vu ces dernières années se développer, même sur des sites touristiques isolés, ces cadres au travers desquels on est censé regarder un paysage comme si on cherchait absolument à faire en sorte que chaque visiteur reparte avec la même photo du « bon » point de vue ?! Alain Damasio disait récemment sur France Inter comment Baptiste Morizot l’avait aidé à changer son rapport à la randonnée : avant, il allait de point de vue en point de vue, fier de l’effort accompli entre deux sites et heureux d’avoir vu des panoramas à couper le souffle mais depuis sa rencontre avec l’adepte du pistage – que Morizot a si bien raconté dans ses livres – il est devenu sensible, chemin faisant, à toutes les histoires dont il repère les traces : une carapace d’écrevisse sur le bord de la rivière et deux empreintes de pattes dans l’eau et il « voit » le repas d’un loup aux prises avec une écrevisse ! Et si le voyage consistait à reconstituer des histoires, à vivre des aventures plutôt qu’à collectionner des paysages ? Le spectacle reçu passivement laisserait place à l’enquête active et chacun pourrait se rêver Livingstone, Tesson ou Tintin ! Et cela sans avoir besoin d’arpenter le monde, un sous-bois et un ruisseau suffisent. Mobilisons nos souvenirs d’enfance : qui n’a jamais eu le sentiment d’être perdu au cœur de l’Amazonie en pagayant sur la rivière au bout du jardin ?
2/ Un week-end à Barcelone pour quelques dizaines d’euros : beaucoup d’entre nous ont craqué un jour, au grand dam de notre conscience écologiste ! Et si le voyage reprenait la signification qu’il avait avant l’explosion des low cost ? Si le voyage n’était plus une parenthèse dans une vie trop dense mais une bifurcation dans une vie plus aventureuse ? Le voyage vécu comme un nouveau départ. On va loin mais on y va longtemps et notre vie est engagée pleinement. On part en cargo pour six mois en Amérique latine à l’invitation d’amis pour élaborer un projet d’école. On mêle pendant le séjour découverte des gens et des lieux, travail et engagements au service de la collectivité. On découvre des différences culturelles qui vont enrichir notre vision du monde…
3/ A certains moments, à force d’avoir rêvé de voir un lieu, d’avoir préparé le voyage, d’en avoir parlé, d’avoir consulté des guides de voyage, vu des reportages, on ne sait plus très bien si on a finalement réussi à le voir ou s’il fait encore parti des lieux à découvrir… Et si notre familiarité avec les lieux dont nous rêvons n’avait plus besoin du voyage pour se renforcer ? Je sais que je ne suis pas allé à Samarcande et que je n’ai pas vu Zanzibar. L’une et l’autre existent pourtant pleinement dans mes souvenirs, dans mes lectures, dans mon imagination. Le voyage m’apporterait-il davantage ? Beaucoup de lieux se trouvent hélas dégradés et perdent toute leur magie par la fréquentation touristique. Certains en concluent qu’il faut augmenter les prix pour dissuader cette consommation de masse. Réserver le tourisme à une élite fortunée comme au XIXème siècle ? Et si plutôt nous organisions chaque année un vaste tirage au sort mondial des destinations touristiques ? Nous aurions peu de chances d’avoir accès aux destinations les plus convoitées mais ce serait une fête d’y accéder avec en plus la perspective de les voir dans des conditions bien différentes de celles du tourisme de masse ! Imaginez les soirées entre amis : quand vous évoqueriez votre voyage dans l’Himalaya vos interlocuteurs ne vous jetteraient plus – blasés – un « je l’ai fait en 2016 mais ça ne vaut pas les glaciers de Patagonie ».
Des voyages minuscules mais intenses, des voyages au long court qui engagent nos vies, des voyages quasi inaccessibles mais partagés qui entretiennent nos rêves. Voilà mon imaginaire du voyage, prenez un moment pour penser au vôtre ? Et surtout, n’avez-vous pas envie, comme moi, de rencontrer d’autres personnes qui ont des imaginaires radicalement différents pour se raconter nos histoires, pour en débattre et pour tisser de nouveaux récits ensemble ? Si nous organisons cela avec l’Imaginarium-s, vous seriez partants ? N’hésitez pas à nous faire des retours et on y travaille dès la rentrée !
REALISATIONS
Expérience (presque) ratée : pas de décollage pour la Nanoubie !
Important de revenir sur ce qui ne marche pas… même si on préfère vous dire tout ce qui marche bien (voir plus bas la suite des Imagineur.e.s ). Dans Nouvelle-s #1 nous vous invitions en Nanoubie à l’occasion des Dialogues en Humanité. A priori tout était réuni pour un moment captivant : le cadre des Dialogues en Humanité avec Patrick Viveret pour lancer notre machine à rêve ; une thématique intrigante, Et si nous pouvions devenir citoyen.ne.s de la Nanoubie, un pays imaginaire qui relierait progressivement les personnes, territoires et initiatives qui contribuent au maintien de l’habitabilité de la Terre !
Une dizaine de participants et un échange qui reste essentiellement centré sur le fait de savoir si la Nanoubie devait être un Etat avec passeport et frontières et sur quelques pistes de transformation de l’habitat (parce que nous avions des architectes parmi les participants). Nous n’avons pas pu nous mettre dans la peau de Nanoubiens expérimentant au quotidien une vie où la coopération entre habitants de la Terre était rendue plus fluide grâce aux institutions nanoubiennes.
Pourquoi ça n’a pas marché ? alors que nous avions vécu des séances à distance riches et dynamiques en mai et juin, la lassitude de ne voir les gens qu’en vignette sur son ordi (un dimanche d’été à 13h !) ne nous a pas permis de nous mettre dans le bain. La complexité de se projeter dans une situation où chaque citoyen pouvait, sans quitter son pays, devenir citoyen de Nanoubie n’a pas été assez anticipée. Il aurait fallu décrire plusieurs situations où cette double nationalité aurait permis d’enrichir la vie des gens. Le problème majeur, je crois, a tenu au fait que ce n’était pas en soi un horizon désirable. Ce passage par la Nanoubie est un moyen de réussir une phase de transition, pas un objectif que l’on vise : à terme, on peut rêver de vivre dans un monde où existent des institutions mondiales régulatrices, pas dans un monde où la Nanoubie est un recours face à des Etats « empêchants »… La Nanoubie reviendra peut-être dans nos explorations mais avec un horizon plus clair et des expériences de pensée sur lesquelles rebondir. A suivre ?
Sur le blog : le droit au service des imaginaires ?
Il peut apparaître contre-intuitif de passer par le droit pour renouveler nos imaginaires quand le droit apparait le plus souvent comme le garant de la stabilité sociale. Pourtant anticiper de « nouveaux droits » est sans doute un moyen puissant de composer des imaginaires disruptifs. Le droit est en effet très utile pour trouver de nouvelles formes de cohérence lorsque les remises en cause radicales font éclater les cadres anciens.
En suivant le lien ci-dessous, vous verrez que la science-fiction a créé du droit pour les situations nouvelles qu’elle créait. Rappelez-vous des 3 lois de la robotique d’Asimov… Mais ce qui est le plus utile et le plus intéressant, c’est comment le droit peut être mobilisé pour des récits d’anticipation non-dystopiques !
Deux épisodes des Imagineur.e.s à découvrir
Nous continuons le voyage en 2054 avec deux nouveaux épisodes des Imagineur.e.s, la série audio que nous avons créée pendant le confinement.
EUTHYMIE, épisode 14, est la seule à être passée en 2054 depuis pas mal de temps. On la découvre à bord d’un radeau flottant-volant à la fois sereine et inquiète. Elle doit repartir en 2020. Une dernière conciliation l’attend pour éviter une querelle entre Adam et Smith. Une langue magnifique, poétique avec une pointe d’humour.
ROGER M, épisode 9, est sans doute l’opposé d’Euthymie. Partisan du moindre effort, à peine arrivé en 2054, il s’acoquine avec un tire-au-flanc professionnel qui lui explique que le revenu universel permet de ne rien faire. Néanmoins Roger M découvre l’intérêt de l’investissement collectif et trahit son nouvel ami. Pas sûr que de retour en 2020, il reste fidèle à son refus d’engagement initial…
INVITATIONS
Imaginarium-s au Festival Vivant, le 25 septembre 2020
A l’invitation de Dorothée BROWAEYS, nous animerons l’après-midi du 25 septembre pour voir quels chemins sont possibles pour « faire avec » le Vivant et inventer d’autres voies de progrès. D’abord une exploration des passages qui permettent de prendre le chemin en 4 séquences immersives (l’acceptation du sauvage, la sortie de la dépendance au numérique, le passage du contrôle à la symbiose, le moment où on bascule). Ensuite on se mettra « en mode ET SI » pour voir comment le droit, l’art, le design, l’information peuvent ouvrir des voies nouvelles.
[teaser] deux rendez-vous dans l’espace public à Lyon
En septembre (la date dépendra des conditions dans lesquelles se passe la rentrée), nous proposerons une « expérience de la lenteur » que nous devions faire au printemps. Vous en saurez plus dans Nouvelle-s #3. Ne loupez pas notre numéro de rentrée !!
Enfin, au printemps 2021, nous allons mener une opération pour imaginer la ville du futur grandeur réelle, dans l’espace public, pour transformer les lieux et surtout leurs usages. D’une rue à l’autre, sur certaines places ou dans des jardins, nous basculerons de 2021 à 2054, … en changeant de trottoir. Vertigineux et enthousiasmant ! Si cela vous inspire et vous donne envie de contribuer, faites-nous signe et nous pourrons vous intégrer à l’événement.
Nous vous souhaitons un bel été et espérons vous retrouver bientôt pour de nouvelles aventures.
Hervé Chaygneaud-Dupuy,
Emile Hooge,
et toute l’équipe d’Imaginarium-s