Nouvelle-s d'Imaginarium-s #4
Novembre 2020
Dans un monde en crises comment naviguer entre les annonces catastrophistes et les discours optimistes béats ? Avec cette quatrième édition de Nouvelle-s d’Imaginarium-s nous partageons quelques réflexions introductives sur cette opposition stérile et, surtout, nous vous proposons de participer avec nous à un défi créatif afin d’imaginer de nouveaux récits pour avancer ensemble.
Enfin, comme d’habitude, n’hésitez pas à réagir à cette lettre ou à la faire suivre à vos contacts qui souhaiteraient en savoir plus sur Imaginarium-s ou s’abonner à cette lettre d’informations pour suivre nos projets !
ET SI…
La fiction devenait une énergie motrice
Si vous lisez ces Nouvelle-s, vous partagez sans doute notre conviction que les récits de fiction peuvent nous fournir une énergie motrice à nos sociétés. Et vous pensez qu’on en a bien besoin en ce moment… Pourtant, en réfléchissant un peu au rôle des récits et de la fiction pour engager les transitions dont nous avons besoin, on se rend compte que les « solutions simples » sont souvent inopérantes. Raconter l’effondrement ou la catastrophe en jouant sur le registre de la peur peut aussi bien conduire au fatalisme que susciter des réactions salvatrices, mais seulement si les scénarios sont crédibles et accompagnés de pistes de solutions. Choisir le registre de l’utopie optimiste peut paraître plus encourageant mais risque aussi de ne pas être suffisamment mobilisateur, trop « hors-sol »…
Frank Beau, dans Horizons Publics, rend bien compte de la complexité de la tâche lorsqu’il nous appelle à nous doter d’une nouvelle poétique du futur et du vivant : « on perçoit bien la fragilité de l’utopie « du monde d’après » émergée pendant la crise, et que sans « image » d’une alternative sensible, d’un fait imaginaire nouveau, les réflexes usuels seront renforcés. C’est donc bien dans la capacité à renouveler la représentation de nos modes de vie et des regards sur le futur que peuvent se trouver certaines nuances et alternatives concrètes aux images de l’effondrement, de la singularité technologique, du libéralisme comme horizons ultimes et indépassables. Ces nuances se trouveraient au fond des représentations et des habitus culturels, dans une autre manière de regarder et de nommer les choses, dans une nouvelle poétique du futur et du vivant. »
Pour parler d’un monde fragile et d’une catastrophe possible, Jean-Pierre Dupuy propose, à nouveau, sa vision du catastrophisme éclairé et il l’explique dans un récent article sur AOC :
« Prophétiser que la catastrophe est sur le point de se produire, c’est contribuer à la faire advenir. La passer sous silence ou en minimiser l’importance, à la façon des optimistes béats, conduit au même résultat. Ce qu’il faudrait, c’est combiner les deux démarches : annoncer un avenir nécessaire qui superposerait l’occurrence de la catastrophe, pour qu’elle puisse faire office de dissuasion, et sa non-occurrence, pour préserver l’espoir. (…) Voilà à quoi devrait ressembler la prophétie face à une catastrophe anticipée mais dont la date est inconnue : le malheur ne devrait y figurer qu’en filigrane d’une annonce de bonheur, ce bonheur consistant en l’évitement du malheur. On pourrait dire que le bonheur contient le malheur tout en étant son contraire, en prenant le verbe « contenir » dans son double sens d’avoir en soi et de faire barrage à. »
Avec l’Imaginarium-s nous cherchons toujours le juste registre d’écriture, autour d’un principe de non-dystopie dont nous vous avons déjà parlé dans la première édition de Nouvelle-s d’Imaginarium-s. Aujourd’hui, nous vous proposons de jouer aux prophètes d’un catastrophisme éclairé pour parler de crises sanitaires en s’en emparant différemment, joyeusement, ironiquement, étrangement, intégralement, justement…
INVITATION
Le cadavre exquis se rira du covid-53*
* version 2054 du fameux « Le cadavre – exquis – boira – le vin – nouveau. »
Vous avez participé – ou pas – aux premières productions et rencontres d’Imaginarium-s. Vous avez envie de donner du relief à ce deuxième confinement qui est pour le moment plutôt terne, voire morose. Vous cherchez à faire un pas de côté créatif et gratifiant.
Vous ne vous résignez pas à voir la santé réduite à la lutte des soignants contre le déferlement des cas de Covid-19 ni à entendre, jour après jour, que le sens de l’existence est de rester en vie « quoi qu’il en coûte »…
A l’inverse vous avez apprécié – lors du 1er confinement – le lien de toute une population avec ses soignants (les applaudissements), la redécouverte du « care » et de l’aspiration à prendre soin de nous, la capacité des soignants des hôpitaux à sortir du cadre et à inventer les solutions qui ont permis de « tenir ».
Nous vous invitons à un exercice d’écriture collective à distance : sous la forme d’un cadavre exquis, nous allons créer ensemble 10 récits qui racontent les futurs de la santé au travers de personnages de fiction que vous inventerez et qui vont circuler d’histoire en histoire…
Le pitch :
Mars 2054 : même plus peur du corona ! L’épidémie de Covid-53 est bien là et elle confirme la résilience de notre système de Santé Sociale.
Comment participer :
Vous pouvez candidater seul.e ou en groupe (jusqu’à 3 co-auteurs). Pour le cas où nous aurions plus de candidatures qu’attendu, merci de nous préciser si vous êtes prêts à faire équipe avec d’autres co-auteurs.
Envoyez-nous un email (imagine@imaginarium-s.fr) de candidature avec un texte de quelques lignes proposant un personnage, un lieu et une situation de départ pour commencer une des 10 histoires que nous allons créer ensemble.
En candidatant vous vous engagez à participer au jeu de cadavre exquis, à écrire un chapitre court par semaine pendant 4 semaines et à participer aux rencontres collectives hebdomadaires en visio.
Les candidatures seront reçues jusqu’au 23 novembre et la réunion de lancement aura lieu en ligne le mercredi 25 novembre de 18h30 à 20h. Puis une réunion par semaine, les mercredis 2, 9 et 16 décembre à la même heure.
La démarche :
Lors d’une réunion de lancement, nous vous donnons les règles du jeu précises et les consignes d’écriture.
Vous avez une semaine pour écrire votre premier chapitre, à partir de votre situation initiale, de votre personnage et de deux cartes (contrainte et ressource) que vous aurez tirées au sort. Le chapitre s’arrêtera en cours d’action au moment où survient un évènement qui crée une rupture et du suspens (le cliffhanger en bon français)
Chaque chapitre doit comporter 2 à 3 pages maximum (de 6 à 9 000 caractères espaces compris) et des illustrations si vous le souhaitez
Lors de la deuxième réunion, chacun présente son personnage initial et une bourse des personnages est organisée. Chacun peut ainsi choisir le personnage qui l’inspire pour la semaine suivante.
Pendant la deuxième semaine, chacun prend en charge la rédaction d’un nouveau chapitre de l’histoire qui lui a été confiée, en y intégrant son personnage initial ainsi que deux nouvelles cartes tirées au sort (contrainte et ressource).
A chaque réunion intermédiaire entre deux chapitres, il y a une bourse des personnages qui permet aux auteurs de se passer le relai dans ce jeu de cadavre exquis. Ces réunions seront aussi l’occasion de se partager des astuces d’écriture ou des pistes d’inspiration.
Chaque histoire complète s’écrit en 4 chapitres et donc en quatre semaines. Elle aura été créée par 4 auteurs/autrices différents.
La suite :
Les 10 œuvres ainsi créées seront envoyées à tous les participants et nous organiserons une dernière rencontre collective, comme une séance d’un club de lecture, pour partager nos coups de cœurs, nos inspirations, et notre vécu de cette expérience d’écriture collective au cours du mois de janvier.
Ensuite, les textes seront publiés sur le site d’Imaginarium-s sous licence Creative Commons (CC BY SA) et chacun pourra les partager facilement autour de soi.
Les principes :
En participant à cette démarche vous retrouverez quelques-uns des principes de notre démarche Imaginarium-s :
on se projette dans l’avenir, souvent en 2054 ;
on invente un futur non-dystopique ;
on imagine à plusieurs ;
on partage nos récits.
REALISATIONS
Germinations - Construire le grand récit du Vivant
Au Ground Control à Paris, les 24 et 25 septembre derniers, nous avons animé la dernière séquence des Germinations du Festival Vivant autour des imaginaires. Soon Soon Soon a fait une recension des chantiers ouverts par le festival, le dernier chantier portant sur « la grande question du récit commun ». Nous en reprenons deux courts extraits : « L’un des récits marquant de l’après-midi fut celui de Camille de Toledo, écrivain. Il nous livre un extrait de sa pièce de théâtre Témoins du futur : nous sommes en 2050 dans une Europe dirigée par une assemblée composée exclusivement de femmes. 2050, c’est 20 ans après le vote d’une loi d’émancipation de la nature qui accorde à celle-ci un statut juridique. Les écosystèmes peuvent maintenant saisir la justice, ils ont des droits. La mise à jour des institutions a été réalisée : elle étend le champ de la représentation de la nature. La démocratie, le pouvoir du peuple, a laissé place à la biocratie, ou le pouvoir du vivant. Bio = le vivant + Cratie = le pouvoir. Dans un des dialogues de la pièce, un des personnages réplique : la vie n’a pas de pouvoir. La vie c’est juste une puissance et le pouvoir c’est un truc d’Homme. Le pouvoir ça sépare alors que la vie ça tisse, ça crée des liens. »
Autre moment marquant avec Boris Jollivet, bioacousticien qui propose des œuvres sonores issues de la nature : « Celles écoutées lors des Germinations nous permettent de mieux appréhender la nature à travers nos sens. Entendre le foisonnement des bruits, la nuit tombée, nous permet d’apprivoiser le sauvage. Car il s’agit bien de ça aussi pour les années à venir : se réconcilier avec le vivant ».
Climat 2040, quel numérique pour inverser la courbe ?
Le 15 octobre nous nous sommes engouffrés dans une faille temporelle pour animer un débat en 2040 sur la place du numérique dans notre société. Organisée par Ouishare et Imaginarium-s cette rencontre nous a permis de rencontrer de vrais entrepreneurs du futur Alexandre Mézard, un chercheur citoyen colporteur de savoirs, Carolina Meza, engagée dans l’innovation sociale et récemment élue à la mairie de sa commune, ainsi qu’Adrien Montagut, fondateur d’une coopérative partageant des savoir-faire low-tech.
Sur les principes de théâtre d’impro, cette rencontre a permis de créer collectivement un récit alternatif, stimulant et parfois même amusant sur le numérique en 2040, croisant les enjeux technologiques, écologiques, économiques et sociaux.
Deux épisodes des Imagineur.e.s à découvrir
Nous continuons la présentation des épisodes de la série créée pendant le premier confinement et disponible à l’écoute sur Soundcloud…
JOSUME ET DANI, épisode 13, se sont évadés de leur EHPAD pour atterrir en 2054 dans un lieu étrange : « ce n’est pas une poissonnerie mais j’ai peur de tomber sur une arête » selon les premiers mots de Dani. Ils y croisent des médecins qui veillent à respectent les directives du « mouvement des dépucés » ainsi que des octogénaires beatboxers et des plantes bioluminescentes…
ELOI, épisode 7, un agriculteur au bord du suicide se trouve projeté en 2054. Il y fait une rencontre étonnante avec Emile, agriculteur lui aussi, mais surtout une véritable rockstar dans toute la région : « les gens se pressent pour voir vos récoltes, les filles vous sautent au cou ! ». Lorsqu’Eloi revient en 2020, avec un peu du levain quantique que lui a donné Emile, sa vie est bouleversée.
Et aussi en très bref…
Nouveau passage par le Campus de la Transition début octobre pour une intervention très chouette avec des professionnels en formation continue. Et deux pistes pour la suite : avec une Fondation qui souhaiterait passer par le récit d’anticipation pour réfléchir à son avenir et une Municipalité qui envisage de construire sa saison culturelle 21-22 sur les imaginaires avec nous (après avoir écouté les podcasts des Imagineur.e.s évoqués ci-dessus).
INVITATION DE DERNIERE MINUTE
Nos amis du Réseau Université de la Pluralité organisent un alléchant banquet du futur, en partenariat avec Marmite & Micro-Ondes, le mythique fanzine dédié à la nourriture et à l'imaginaire.
Cette prochaine rencontre U+ZINE #4 sur le thème de l'alimentation aura lieu le 26 novembre prochain à 17h. Olivier Gechter, nouveliste/romancier et Ketty Steward, poétesse/romancière/nouvelliste, nous partageront quelques-unes de leurs recettes et nous transporteront dans une séance d'écriture créative. Inscriptions
Restons en contact
N’hésitez pas à nous tenir au courant de vos projets en lien avec les imaginaires du futur et nous nous ferons un plaisir de les faire connaître autour de nous. Et puis si vous avez envie de monter quelque chose avec Imaginarium-s nous serons également ravis d’en discuter…
En espérant vous retrouver pour écrire un « cadavre exquis » ensemble, nous vous souhaitons une bonne semaine.
Hervé Chaygneaud-Dupuy,
Emile Hooge,
et toute l’équipe d’Imaginarium-s